Depuis une cinquantaine d’années, on assiste à une fulgurante progression des recherches permettant de mieux comprendre le cerveau et ses fonctions dites « cognitives » - la perception, l’action, les émotions, l’imagination, le raisonnement, la connaissance, l’apprentissage, la mémoire, la communication, le langage, la coopération...
Ces recherches sont toutefois encore dans leur jeunesse. Le cerveau humain reste mystérieux sous bien des aspects et la plupart des connaissances produites jusqu’ici demandent à être approfondies, stabilisées et reliées : du cerveau au mental, du mental au comportement.
Si les études en sciences cognitives sont longtemps restées en marge du monde de l’éducation et des pratiques professionnelles des professeurs, cette situation évolue et il est progressivement reconnu qu’elles sont susceptibles d’éclairer les pratiques éducatives.
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Les sciences cognitives à la rencontre de l'éducationLe rapprochement entre les recherches en sciences cognitives et celles en éducation est susceptible d’apporter un regard nouveau sur les processus et mécanismes d’apprentissage. Ce rapprochement est déjà à l’œuvre et a produit une base de connaissances riche et diversifiée sur ce sujet. |
Petit aperçu sur quelques briques de la cognition
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L'attentionL’attention est un processus cérébral indispensable à toutes les fonctions cognitives conscientes. Elle sélectionne les informations, influence la façon dont celles-ci seront traitées par le cerveau et contrôle ce qui pourrait nous distraire. Elle contribue à notre perception du monde, d’autrui et également de nous-mêmes. Mais elle est limitée. |
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Les fonctions exécutivesL’exécution de tâches complexes nécessite un effort conscient d’attention et de contrôle de soi. Ce système attentionnel est fondamental pour l'apprentissage. On le décrit aussi sous le nom de "contrôle exécutif" ou de "fonctions exécutives". On utilise, pour le représenter, l’analogie avec le système de contrôle du trafic aérien qui, dans un aéroport, gère les arrivées et les départs sur les différentes lignes. |
La mémoireMémoriser est un rouage fondamental de l’apprentissage, de l’imagination, du raisonnement et de la réflexion. La mémoire est un processus mental qui enregistre des informations nouvelles, les conserve et les récupère à un moment donné. Par ailleurs, en permanence et à notre insu, elle nous permet de retenir certains éléments en fonction de notre histoire personnelle, d’en oublier d’autres et de pouvoir nous projeter dans le futur. |
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La perceptionLa perception est l’ensemble des processus cérébraux qui, à partir des organes sensoriels, permettent d’interpréter les informations provenant du monde extérieur. L’étude de la perception permet de répondre à des questions telles que : comment faisons-nous pour reconnaître des objets ? la reconnaissance des visages est-elle différente de celle des objets ? que se passe-t-il quand nous percevons un objet par plusieurs sens (vision, audition, toucher, ...) La perception du tempsNous avons conscience du temps qui est inscrit dans notre vie ; nous le percevons, qui passe selon différentes échelles : millisecondes,… jours,… années… Le temps est une source d’information, et dans la vie de tous les jours, sans toujours en avoir conscience, on traite des durées en permanence. Puis-je traverser la rue alors que je vois arriver un cycliste ? Comment me préparer à attraper (ou à éviter) le ballon lancé par un camarade ?
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Le raisonnementOn appelle raisonnement un ensemble de processus cognitifs qui permettent de tirer des conclusions à partir d'expériences, faits, prémisses. Raisonner sert des buts différents: prendre une décision, résoudre un problème, évaluer une argumentation, tester une hypothèse... On peut distinguer différents types de raisonnement sur la base de l'objet sur lequel celui-ci s'exerce, donc du domaine d'application; par exemple: raisonnement causal, scientifique, mathématique... On peut également distinguer entre raisonnement par analogie, raisonnement logique, critique, ... Connaitre la manière qu'ont les enfants de raisonner, par exemple à propos des objets naturels, permet de mieux les aider à développer leurs capacités naturelles de raisonnement. |
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La curiositéDésir, amour, passion de connaissance ; intérêt pour ce qui est nouveau ; besoin, appétit ou soif d’informations ; motivation de l’investigation et de l’exploration constituent les ingrédients classiquement attribués à la curiosité. Ces ingrédients en font le moteur à la fois de la découverte et de l’apprentissage, et lui donnent une place aussi bien dans la recherche scientifique que dans l’éducation. |
Les émotionsLes émotions sont des processus cérébraux qui se manifestent par des ressentis et par des réactions comportementales. Universelles, la joie, la tristesse, la peur, la colère, la surprise, le dégoût sont dites émotions fondamentales ; on y ajoute souvent l’intérêt et la honte. La vie quotidienne nous expose à des émotions complexes combinant ces émotions fondamentales, telles que la jalousie, l’émerveillement, la déception, l’enthousiasme, le mépris,… |
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Vivre ensemble: la cognition socialeLa cognition sociale concerne les processus cérébraux qui sous-tendent l’élaboration de la culture et des règles sociales, autrement dit le « vivre ensemble ». Elle comprend l’empathie, l’aptitude à lire les états mentaux d’autrui, la communication, le jugement moral, les stéréotypes et les préjugés, la compétition et la coopération… |
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L'imaginationL’imagination est un processus mental très présent dans notre vie quotidienne, sans toujours que nous nous en apercevions. Le cerveau est sans cesse en activité, même « lorsqu’on ne pense à rien ». Notre activité mentale se passe majoritairement en dehors de notre conscience, et une partie de cette activité non consciente correspond à l’imagination. |
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Le mouvementLe cerveau nous sert à bouger et à nous déplacer : il organise tous nos mouvements volontaires en fonction de l’appareil musculaire, des informations perçues du monde environnant et du but à atteindre. |
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Le sommeilPendant le sommeil, l’organisme est actif, mais différemment de l’état de veille. Le cerveau est lui aussi actif, même si notre conscience du monde extérieur et de nous-même est considérablement réduite. Le cerveau coordonne les cycles éveil/sommeil, la durée quotidienne et l’alternance des phases du sommeil ainsi que sa qualité. |
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La cognition et ses troublesLes troubles spécifiques de l'apprentissage Les troubles du spectre de l'autisme |
Un regard sur le cerveauDès l’Antiquité, le cerveau est considéré comme l’organe de la raison par Hippocrate (env. 460-375 av. J.-C.). Les recherches aussi bien en médecine qu’en philosophie se sont poursuivies tout au long des siècles, suscitant nombre de controverses passionnées. À partir du xixe siècle, les sciences du cerveau prennent un essor spectaculaire. |
Neurosciences cognitives et école
Jean-Pierre Thibaut, Pascal Bressoux, Steve Majerus, Céline Darmon, Annique Smeding, Delphine Martinot, Elisabeth Demont, Anne-Sophie Besse, Eva Commissair, Jean-Michel Boucheix, Franck Amadieu & André Tricot, Karine Mazens et Fanny Gimbert, Jean Ecalle et Annie Magnan, Elena Pasquinelli
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IntroductionPar: Jean-Pierre Thibaut LEAD - Université Bourgogne Franche-Comté |
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Apprendre : conceptualiser et généraliser de nouvelles notions. Quelles difficultés, parfois inattendues, surmonter ?Par: Jean-Pierre Thibaut LEAD - Université Bourgogne Franche-Comté
Apprendre un nouveau concept, une nouvelle notion, c’est saisir, à partir d’une définition explicite et/ou d’exemples illustratifs, les dimensions importantes qui le caractérisent. C’est aussi être capable, ultérieurement, d’utiliser, de généraliser ce concept (et donc les dimensions associées) à dans de nouvelles situations, différentes de celles qui ont servi à l’apprentissage. Partant des sources de difficulté liées aux apprentissages, nous décrivons les caractéristiques que devraient posséder les exemples proposés durant l’apprentissage, les situations d’apprentissage qui promeuvent la généralisation, notamment l’utilisation de la comparaison des stimuli, les obstacles à l’apprentissage comme les conceptions préalables (parfois appelées « naïves ») des élèves. |
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Suffit-il de motiver les élèves pour qu'ils apprennent?Par Pascal Bressoux, Université Grenoble Alpes et Institut Universitaire de France La motivation est souvent évoquée comme un facteur-clé de la réussite scolaire. Il ne fait aucun doute qu’il y a bien quelque chose qui déclenche les comportements délibérés, que l’on peut bien, si l’on veut, appeler « motivation » dans le langage courant. Il n’en demeure pas moins, d’une part, qu’il s’agit d’en préciser et d’en comprendre les mécanismes et, d’autre part, que ce quelque chose qui permet la mise en action ne garantit pas à lui seul le succès – en l’occurrence celui des apprentissages scolaires puisque c’est de cela dont il sera question dans ce chapitre. |
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Apprentissages scolaires et mémoire de travail / mémoire à court termePar: Steve Majerus UR Psychologie et Neurosciences Cognitives – PsyNCog, Université de Liège, Belgique
La mémoire de travail / mémoire à court terme est une fonction cognitive essentielle et sous-estimée pour les apprentissages scolaires à la fois verbaux et non-verbaux. Ce chapitre est structuré sous forme de questions concernant la structure, le développement, les bases cérébrales et la fonction de la mémoire de travail/mémoire à court terme, et son utilisation optimale dans le contexte des apprentissages scolaires. La contribution insistera particulièrement sur les stratégies d’apprentissage (pour l’apprenant) et les stratégies d’enseignement (pour l’enseignant) optimales à adopter afin de tenir compte des limitations naturelles de la mémoire de travail / mémoire à court terme. |
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Comment expliquer les performances scolaires ? L’impact des stéréotypesPar: Céline Darmon, Annique Smeding, Delphine Martinot Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive (LAPSCO), Université Blaise Pascal, Université Clermont-Auvergne, Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie (LIP), Université Savoie-Mont Blanc
Un élève qui échoue n’est pas nécessairement un élève qui n’a pas acquis la compétence requise. Nous allons voir ici que de nombreux facteurs peuvent expliquer ce décalage. Nous en listerons quelques-uns. Ceux-ci sont importants à connaître et à étudier car ils représentent des leviers d’actions potentiels pour permettre à tous les élèves d’être dans les meilleures conditions pour apprendre et pour réussir. |
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L'apprentissage (précoce) d'une deuxième languePar: Elisabeth Demont, Anne-Sophie Besse, Eva Commissaire Laboratoire de Psychologie des Cognitions
Même si rares sont ceux qui contestent la nécessité et l’intérêt d’apprendre des langues, l’apprentissage précoce d’une 2e langue fait l’objet d’un certain nombre d’idées reçues et fait naître un certain nombre d’appréhensions. Notre objectif est de proposer ici un aperçu objectif -et souvent complexe- des effets de l’apprentissage (précoce) d’une 2e langue, notamment les effets observés sur le développement de l’enfant d’une part et sur les apprentissages scolaires d’autre part (en nous intéressant plus particulièrement à l’apprentissage de la lecture). |
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Les technologies numériques au service des apprentissagesJean-Michel Boucheix, Franck Amadieu & André Tricot
Dans le domaine des apprentissages scolaires, les effets du numériques sont particuliers : ils ne sont pas aussi massifs que dans d’autres domaines, malgré des politiques d’équipement volontaristes ici et là. Les enseignants n’utilisent pas tous le numérique en classe alors que (presque) tous l’utilisent chez eux, notamment pour préparer leur enseignement. Les résultats empiriques sont nuancés : parfois les nouvelles technologies améliorent les apprentissages, parfois elles les détériorent. L’objectif du chapitre est de faire une rapide synthèse de ce que change le numérique dans les apprentissages. Notre approche est centrée sur les processus cognitifs impliqués dans l’utilisation de ces supports et dans les apprentissages mis en œuvre avec ceux-ci.
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Les fondements des apprentissages numériquesPar: Karine Mazens et Fanny Gimbert Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition Université Grenoble Alpes
Si une certaine sensibilité aux quantités, ou sens du nombre, existe dès la naissance, le chemin qui mène à la maitrise de notre système numérique est long et nécessite de nombreux apprentissages. Les recherches menées ces vingt dernières années apportent un éclairage nouveau sur les différentes étapes du développement de la cognition numérique chez l’enfant. La première partie de ce chapitre décrit comment les quantités sont appréhendées et représentées par l’être humain. Des questions d’apprentissage sont ensuite abordées à travers l’utilisation de la ligne numérique, les débuts de l’écriture des chiffres et de l’arithmétique, l’importance des doigts. Enfin, sont abordés les troubles du calcul ainsi que des pistes d’intervention pour aider les enfants dans leurs apprentissages.
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Comment aider les enfants en difficultés d’apprentissage de la lecture : l’apport des technologies informatiséesPar: Jean Ecalle et Annie Magnan Laboratoire EMC, Lab Ex Cortex, Université de Lyon L'observation récurrente des difficultés en lecture des élèves à différents âges dans diverses enquêtes nationales et internationales suggère que des actions et moyens soient mis à disposition des enseignants dans les établissements. Notre objectif ici est de présenter des arguments basés sur des expérimentations pour tenter de contribuer à relever ce défi.
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Les neuromythesA plusieurs reprises les sciences cognitives et les neurosciences ont été mal comprises et mal utilisées. Notamment, on a pu constater la diffusion d’idées fausses ou trop simplifiées sur le fonctionnement du cerveau. Étant donné que ces idées concernent la cognition, mais sont exprimées en jargon neuroscientifique (en se référant au cerveau) ; et que, comme d’autres mythes, elles se répandent largement et prennent racine facilement chez un grand nombre de personnes, ces idées sont connues sous le terme de «neuromythes». |