La place de la manipulation dans les apprentissages

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La place de la manipulation dans les apprentissages

Bonjour à tous
Avant tout un grand bravo pour votre entreprise qui nous rassure, nous futurs enseignants.
Je suis en première année d'IUFM à Grenoble et dans le cadre de mon dossier de fin d'année, je m'intéresse au rôle et à la place de la manipulation dans les apprentissages.
Question forte intéressante me semble t'il car je pense qu'en fonction des moments où est proposée la manipulation, son rôle diffère considérablement.
Aussi, l'élève n'est t'il plus en position d'un "se formant", d'un "apprenant", mais simplement dans la position d'un simple exécutant. Je recherche alors des renseignements pour étayer mon raisonnement.
Pour l'instant, je pense qu'il y a une manipulation pour:
1/ répondre à une question, auquel cas la manipulation n'a de valeur que parce qu'elle permet la validation interne* (M.DEVELAY, col ASTER n°8) (manipulation généralement en milieu d'apprentissage)
2/ répondre à une hypothèse de départ, on est plus ici dans une démarche expérimentale (au début des apprentissages) et enfin, il me semble aussi que la manipulation peut être un outil d'évaluation sommative (en fin des apprentissages alors).
Pouvez vous m'éclairer davantage s'il vous plait et je tâcherai de mon côté de mettre à disposition mes "petites recherches" à disposition des personnes qui seraient intéressées.
Merci et bonne continuation.

Thu 09/03/00 - 13:00

Commençons par votre dossier de fin d'année
En vous intéressant à la place de la manipulation, ne restreignez-vous pas trop la question ?
Vous utilisez des références solides (Develay, Aster) dont la lecture doit vous convaincre d'une part que "manipulation" et "expérimentation" ne sont pas synonymes, d'autre part que c'est bien l'expérimentation, au sens que rappelle Develay dans son texte, qui présente le plus d'intérêt dans un dossier qui se préoccupe des apprentissages.
Si je prends "à la lettre" le titre de votre dossier, je constate que vous ne le cantonnez pas aux apprentissages scientifiques. C'est une option souhaitable car, si je ne me trompe pas, le dossier de PE1 ne doit pas être disciplinaire. Mais cela engage à explorer d'autres champs dans lesquels intervient l'expérimentation. Les mathématiciens ont développé pour le premier degré une didactique largement fondée sur la confrontation à un milieu expérimental. Il ne s'agit pas du même milieu expérimental que celui des sciences physiques ou des SVT, mais d'un milieu souvent construit par l'enseignant à des fins didactiques.
Brousseau, en particulier, a développé de nombreux exemples pour l'école primaire. Quelques-uns sont célèbres et vous les connaissez sans doute : mesure de l'épaisseur d'une feuille de papier pour introduire et travailler les décimaux ; agrandissement du puzzle pour la proportionnalité. D'autres exemples sont fournis dans un ouvrage peu connu de Brousseau (Guy et Nadine) intitulé "La mesure au CM1" et publié à l'IREM de Bordeaux (je n'ai pas l'année d'édition en tête, mais c'est assez ancien ... années 1980 environ...).
Puisque vous êtes à Grenoble, vous connaissez sans doute la revue Grand N (IREM Grenoble et Université J. Fourier) consacrée aux mathématiques et aux sciences pour les maîtres de l'enseignement primaire. Rares sont les articles dans lesquels le rôle de l'expérimentation n'est pas envisagé.
Dans un registre voisin mais plus transversal, j'ai proposé et expérimenté avec quelques PE2 des activités pédagogiques visant à développer les compétences d'élèves de cycle 2 à représenter l'espace.
Si le sujet vous intéresse, vous trouverez des précisions sur le site "lamap" .
Revenons plus généralement aux sciences expérimentales
Dans votre texte, vous semblez vous attacher au rôle de la manipulation (à quoi sert-elle ?) et vous envisagez deux d'entre eux : répondre à une question ou vérifier une hypothèse. Vous vous interrogez également sur sa place dans une démarche (à quel moment ?).
Vous évoquez enfin la possibilité de son rôle dans une évaluation sommative.

Je vais vous faire part de mes réflexions en trois points.
Dans le premier, j'essayerai de reprendre la distinction entre questions et problèmes scientifiques pour préciser la place des hypothèses. Je donnerai ensuite un point de vue sur la place (chronologique) de la manipulation dans une démarche. Enfin, j'aborderai succinctement le rôle que peut jouer la manipulation dans une évaluation sommative.

1.
Vous distinguez deux rôles à la manipulation : répondre à une question et répondre à une hypothèse. Cela m'inspire deux réflexions.
En pédagogie des sciences, toutes les questions ne se valent pas. Certaines se satisfont d'une réponse rapide, d'autres débouchent sur de véritables investigations scientifiques et contribuent à de réelles constructions conceptuelles chez les élèves. On tend à réserver le terme de "problème" à ces dernières. L'un des aspects de la pédagogie des sciences consiste à aboutir à la formulation d'un problème, compris par la classe, qui constitue le fil directeur des activités qui suivent. Voir pour plus de détails le livre d'Astolfi, Peterfalvi, Vérin, (1998), Comment les enfants apprennent les sciences ?, Retz (p. 176 et suivantes).

Si l'on suit cette distinction, on s'aperçoit que les questions ne débouchent pas directement sur de l'expérimentation. En revanche, l'examen des questions par la classe, la recherche d'hypothèses, leur mutualisation permettent de d'aboutir à un plan d'expérimentation. Astolfi, dans l'ouvrage cité, prend l'exemple de grenouilles qui se sont échappées. Je développe rapidement l'exemple de plantations réalisées en CP. Les élèves ont semé des graines et s'en sont occupés "empiriquement". Certaines ont germé, d'autres pas. Certains plants se développent bien, d'autres non... Les premières questions des élèves sont affectives : pourquoi ma plante n'a pas poussé ? Il n'est pas possible, à ce stade, de leur dire "expérimente et tu verras...". Par contre, la recherche d'hypothèses est fructueuse : on a planté la graine trop profond ; la terre est trop tassée ; on n'a pas assez arrosé ; on a trop arrosé ... pour ne citer que les plus fréquentes. À ce stade, on débouche sur de véritables problèmes scientifiques qui peuvent se formuler dans des termes qui induisent directement la vérification expérimentale
(la profondeur à laquelle on dépose la graine a-t-elle une influence sur la germination ?).

Ma deuxième réflexion découle directement de la première : devant un problème scientifique, il est difficile de concevoir une expérimentation sans hypothèses. Tout au plus, elles n'apparaissent pas toujours nettement car elles sont parfois implicites ou parce qu'on a du mal à les formuler. Le "tâtonnement expérimental" des jeunes enfants illustre cela. Il est toujours régulé par des hypothèses implicites qu'ils sont incapables de formuler. Demandez par exemple à des CP d'allumer une ampoule à l'aide d'une pile, et observez-les attentivement. Ils ne formulent pas leur hypothèse, mais ils sont guidés par l'idée qu'il faut un contact unique, entre une zone de la pile et une zone de l'ampoule, pour réussir l'allumage. On peut parler d'hypothèse "en acte" pour reprendre par analogie une formule de G. Vergnaud.

2.
Sur la place de la manipulation... Je ne comprends pas pourquoi, dans une démarche expérimentale, vous mettez la manipulation en début d'apprentissage. Ce n'est peut-être qu'une question d'échelle des temps, mais pour reprendre les références grenobloises, vous trouverez dans le dernier Grand N (n° 65, 1999-2000) un article de Jocelyne Nomblot qui présente un travail mené en CE1 sur le trajet de l'eau dans la plante. Sa séquence comporte 7 séances.
La mise en place de l'expérimentation s'est faite en séance 4 et le résultat a été observé en séance 5. Il y a donc davantage de séances avant l'expérimentation qu'après. La lecture du texte illustre parfaitement tout le travail préparatoire qui garantit l'efficacité pédagogique de l'expérience. Toute la difficulté, il me semble, c'est de convaincre les maîtres que l'expérience au sens strict n'est qu'une petite partie d'une démarche expérimentale qui comprend de nombreuses phases avant et après elle. Vous connaissez ces caricatures de démarches scientifiques : les cours de physique qui commencent par : I- Expérience fondamentale... ; ou encore les TP de collège ou lycée dans lesquels les élèves exécutent un protocole dont ils ne connaissent ni les tenants, ni les aboutissants. Comme vous le remarquez vous-même, ils ne sont que des exécutants.
3.
Enfin, sur les rapports entre manipulation et évaluation sommative, il n'y a pas, à ma connaissance, de réflexions dans le premier degré. Il y en a, par contre, dans le second degré, mais il s'agit essentiellement d'évaluer des techniques manipulatoires : l'apprenant sait-il effectuer une distillation, utiliser tel instrument de mesure, etc. Est-il intéressant d'engager cette réflexion à l'école primaire ?
On pourrait évaluer si les élèves savent utiliser tels outils (tournevis, pinces à dénuder,...). On doit pouvoir trouver des exemples de situations où, en les observant manipuler, on évaluerait la maîtrise d'une notion (je pense par exemple à la notion de circuit électrique). Mais tout cela est à creuser, et j'avoue ne pas l'avoir fait moi-même.

sam 11/03/2000 - 02:01
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